Revu le 5/7/20
« Malédiction »
Un
débat récent sur les fameux Accords Sykes Picot, du 16 mai 1916, a eu lieu
à radio France-Culture, débat auquel ont participé Gaïdz Minassian journaliste
au Monde, Myriam Ben Raad et une autre
personne (doctorante en histoire plus spécialisée sur les dépouilles arabes de
l’Empire ottoman). Ces accords secrets dont c’est le centenaire, comme l’a
rappelé la doctorante, n’étaient en réalité qu’ une pratique constante de la
diplomatie occidentale de l’époque en situation évolutive. ( le partage réel
n’aura lieu qu’ au traité de San Rémo en 1920). Ce qui fait l’actualité de ces
accords, c’est que l’Etat islamique revendique l’abattage de cette manœuvre qui
visait à partager le Proche orient en zones d’influences européennes. Il ne faut pas oublier que les chefs Arabes eux –mêmes étaient
partie prenante de ce partage avec l’idée d’un grand royaume achemite qui
engloberait la Syrie et la Péninsule arabique. Il faudrait remonter à 1905 pour
voir émerger une séparation entre les Arabes et le monde turc sur la base d’une
quête de tradition d’Etat-nation et de démocratisme plus sensible côté turc.
En
venant à apprécier la situation actuelle au Moyen Orient , Gaïdz Minassian
prenant en compte la difficulté d’asseoir une forme quelconque de paix a parlé
de malédiction pour cette région en guerre qui porte encore les
stigmates de l’Empire ottoman, l’Homme malade, qui ne serait pas
vraiment mort.
Le
terme de malédiction n’a pas beaucoup plû à Myriam Ben Raad qui préfère
elle, parler de la difficulté à extraire une violence structurelle. Gaidz
Minassian l’a justifié cependant par le crime du génocide arménien lors de la
Première guerre mondiale, demeuré impuni, les stratégies politico – économiques
russe et anglaise puis les intérêts pétroliers anglo-saxons, suivis des
tensions idéologiques de la guerre froide, la souffrance vécue actuellement
encore par les peuples arabes déchirés et les affrontements entre Kurdes et
Turcs, les rivalités entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, l’interminable conflit
israélo- palestinien, bref une situation de poudrière qui s’éternise depuis un
siècle et ne ferait que s’aggraver.
Selon
Gaïdz M, le non-règlement des questions territoriales actuelles serait dû à
l’origine au triomphe du kémalisme qui est sorti victorieux de la tentative
helladiste orchestrée par l’Angleterre. Mustapha Kemal a su résister à l’Occident
en instaurant un Etat turc puissant ( avaleur de la première République
arménienne, que Gaïdz M a omis de préciser), alors que les conséquences de
l’effondrement de l’autre grand empire féodal, celui d’Autriche-hongrie,
auraient été traitées avec plus de rigueur et moins de partialité par
l’Occident vainqueur et son antagonisme
anti soviétique.
A
propos de malédiction, il est à noter qu’une accusation de malédiction
avait commencée après le concile de Chalcédoine quand les Byzantins traitèrent
le peuple arménien de peuple maudit de Dieu, une calomnie qui fut
reprise ensuite et colportée dans l’Empire ottoman parmi les oligarchies au
pouvoir, ce qui contribua à la pensabilité du génocide de 1915 lequel ne
visait pas que les Arméniens mais toutes les communautés chrétiennes (syriaques
et gréco-pontiques) . Cette pensabilité de l’extermination a permis le passage à l’acte dans
l’Empire ottoman lorsque les Arméniens du Caucase sont apparus comme un
obstacle a l’expansion du nationalisme turc.
Dans
la pensée de l’histoire reliée, par là a été commis un pas décisif de l’humain
dans un processus conduisant à la consommation du monde. Gaidz a évoqué
néanmoins la question de la Cilicie arménienne promesse non tenue et
complètement mise sous le boisseau. Le
débat radiodiffusé inachevé était alors arrivé a son terme technique. (JB)
Revue des études arméniennes t. III |
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Revue des études arméniennes t. III |
(Vignette imprimée à
Beyrouth en 1964: Le territoire attribué par le président Wison aux
Arméniens)
Carte
du traité de Sèvres 1920 source Atlas historique.net
La rapidité de l’avancée grecque
convainquit le sultan et son grand vizir de l’urgence d’accepter les accords de
paix sans condition. Ils signèrent donc le traité dont les termes draconiens
avaient été dictés quatre mois plus tôt par les Alliés en Italie, à San Remo.
Smyrne et son arrière pays étaient officiellement placés sous contrôle grec. La
Turquie en gardait provisoirement la souveraineté jusqu’à un referendum qui
devait, au bout de cinq ans, décider si la ville serait annexée de façon
permanente à la Grèce. Le résultat d’un tel scrutin faisait peu de doutes.
Smyrne et son arrière pays étaient perdus pour les Turcs, Mais c’était aussi le
cas des territoires du Kurdistan qui devait devenir une province autonome, et
de l’ Arménie qui accédait à l’indépendance. Les détroits tombaient sous
contrôle international (zones démilitarisées) . Et les Français les
Britanniques et les Italiens se partageaient le sud de la Turquie en
différentes zones d’influence. La Thrace revenait à la Grèce ainsi que presque
toutes les iles égéennes. Constantinople demeurait la capitale. Cequi restait
du territoire turc (Anatolie) en était éloigné.
Le grand vizir signa le traité en aout 1920, engageant ainsi
son gouvernement. Les nationalistes
d’Angora (kémalistes) refusèrent de reconnaître la validité du traité.
« Le président français, Raymond Poincaré, fit plaisamment remarquer qu’il était peut être de mauvais augure de signer le traité de Sèvres, ville du musée de la porcelaine : « Le traité turc a été signé à la manufacture nationale, au milieu des biscuits et des flambés. C’est lui même un objet fragile, peut être un vase brisé. N’y touchez pas »[1]
Carte
du traité de Lausanne de 1923
(publiée dans
« l’Humanité » du 21 novembre 2014)
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