Revu Le 14 aout 2014

A propos de la représentation que fait C G Jung de Gilgamesch

et de l’oratorio Gilgamesch de Martinu :

 

 

Ce que dit Jung :

 

Il parle d’abord de la notion du vieil homme sage  qu’on trouve dans le Zarathustra de Nietzsche ( la rencontre de Zarathoustra avec l’homme sage )

 

Il  y ramène le mythe sumérien à des concepts nietzschéens qui sont, selon Jung des archétypes. ‘ l’ aigle, le serpent, les opposés, le surhomme etc… En plusieurs endroits de ses commentaires.

 

Par exemple, Jung  parle  notamment de l’inspiration de l’homme à s’élever dans les airs, de la transformation mythique de l’homme en oiseau : Il évoque alors le récit epique de Gilgamesh que nous possedons en écriture cunéiforme. Dans ce récit se trouve  un lieu , une sorte d’Hadès  où il y a des oiseaux  qui se nourissent de putréfactions.

 

 Cela réfère selon au  « corps subtil » qui ne peut se nourrir de nourriture solide mais de « nourriture super substantielle ».  Dans la légende du Saint Graal, c’est le Cygne  qui évoque ce concept.. Dans la « suspension », la crucifixion  apparaît comme le martyr du corps pour la transformation en corps subtil.  On trouve une symbolique analogue dans l’Edda, dans le passage ou Odin invente les Runes.

 

Mais c’est à propos de l’aigle et du serpent, symbolisme nietzchéen qu’il fait surtout la comparaison.

 

Gilgamesh est au deux tiers humain et pour un tiers  de nature divine.  C’est une sorte de surhomme ayant un extraordinaire (tremendous)  pouvoir spirituel.  Pour créer sa capitale, Uruk , il y fait travailler les hommes réduits  à l’esclavage . Les femmes du temple des prostituées s’en plaignent aux Dieux et c’est ainsi que les Dieux  créent Enkidu  un contrepoids à Gilgamesh.

 

A propos d’Enkidu , il est à noter que Jung dit que nous ne sommes pas sûr de ce terme. Certains savants traduisent ce terme par « Izdubar » d’autres par « Eobani » (nom de l’ancienne capitale de l’Arménie  antérieur à Ourartou )  Quoiqu’il en soit, Enkidu représente une nouvelle création des dieux.  Il boit la même eau que les gazelles. Il vit et se nourrit avec les bêtes. Il est une sorte d’homme inférieur mais de force égale.

 

  Il représente la partie la moins noble de la psyché. On peut dire que dans la mesure. où Gilgamesh représente la volonté, la conscience, l’attitude spirituelle, Enkidu  représente lui, l’ombre de Gilgamesh, la partie la moins évoluée du psychisme. Ce que Jung rapporte au plan physique :  la partie sympathique du système nerveux, la moelle épinière, pas le cerveau. Il représenterait la qualité motrice dans l’aspect corporel de la psyché.

 

Par contre en opposition à Gilgamesh, Enkidu  est terriblement émotif et sujet à des intuitions. Il souffre, il a des rêves intuitifs. Dans un passage du récit épique, il y a un  moment ou Gilgamesh met Enkidu  en sommeil pour le faire rêver et savoir à partir de son rêve par quel moyen ils parviendront à venir à tuer le géant Khumbaba qui surveille la montagne où demeurent les Dieux. Gilgameschi lui même a des rêves intuitifs et c’est par l’un d’entre eux qu’il cherche à dépasser (overcome)   son ombre.

 

Cette métaphore  signifie que la volonté, la conscience, finissent par dépasser la partie inférieure de l’esprit ( the lower mind) . C’était pour les contemporains une question fondamentale.

 

Ce mythe est extrêmement ancien et apparaît au VII ième siècle avant J C dans le récit épique de Gilgamesh découvert dans la dite bibliothèque d’Assur –bani- Pal. ( au British Museum) Il date de plus de 3000 ans avant JC, avant Hammurabi le grand legislateur  (law giver) de Babylone.

 

Jung fait aussi  un rapprochement complexe avec les signes du Zodiaque,  les Jumeaux le Cancer et le Taureau,. ( voir ma communication à partir du texte de Solange de Mailly Nesle   dans un précédent mail)  Ce dernier signe (environ 4200 avant J-C) représente le printemps de la conscience avec l’apparition de l’écriture.

 

Jung montre que la continuité dans la mémoire est absolument nécessaire pour assurer la valeur de la conscience. Sans cette dernière il n’y a plus de possibilité de jugement faute de ne pouvoir comparer. (A ce niveau , Jung fait dans son séminaire  une longue digression sur la psychologie sénile.)

 

4000 environ avant J C,  c ‘est l’apparition du  « Gilgamesh epic » c’est à dire de la possibilité de l’intention, de la volonté, de l’énergie , de disposer de la libido.

 

Mais cela offense les dieux qui se vengent et tentent de briser cet hybris (promethéen ou luciférien.)

 

C’est la raison de l’invention de la figure d’Enkidu, ce qui signifie qu’un conflit est né que personifie Gilgamesh entre l’esprit  ( the mind) qui s’élève vers les hauteurs et la partie inférieure de l’homme ,  Enkidu.

 

Pendant un temps Gilgamesh et Enkidu  font ensemble des exploits. Mais Enkidu souffre de plus en plus   d’être sous le joug de la volonté supérieure ( le rêve  qu’on voit dans la septième tablette) . La traduction du texte  qui fut faite en allemand d’abord est la suivante en anglais:

 

« Why have the great gods come together in council ? Why are they planning my path? Oh friend, it was a pecular dream which I saw and its end foretold misfortune. An eagle took me with iron claws and flew upward  for for hours; Then he said to me : “Look down upon the earth, what seeth you? Look down upon the sea, how doth he appears to thee?...” And when Gilgamesh heard the words of Enkidu his looks became dark and he said to Enkidu his friend : “A evil spirit will take thee with his claws, woe unto thee, the great gods have decided upon misfortune. Lie down because thy head is hot…. ” 

 

[J’ai abrégé le texte qui est beaucoup plus long ]  Nous y trouvons dit Jung , cette symbolique :

 

La partie inférieure de l’homme est prise dans des griffes de fer de la conscience et emporté dans les airs  puis lâché  et  tué.  Comme un aigle qui lâche sa proie. Enkidu  peut être représenté comme un serpent parce que le serpent est la concrétisation de la psyché inférieure (avec une moelle épinière et peu de cerveau) Tandis que l’aigle est une représentation du cerveau.

 

Après la mort d’Enkidu,  Gilgamesh ressent terriblement sa perte. Il est comme de la  conscience seulement.

 

 C’est aussi ce que nous ressentons dans notre civilisation dit Jung , qui rappelons le, donne ce séminaire  à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. La perte du corps. Maintenant Gilgamesh réalise la crainte de la mort. Il veut atteindre Utnapishtim le fondateur de la vie eternelle. 

La peur de la mort est aussi une caractéristique de notre civilisation.

 

Gilgamesh reçoit d ‘Utnapishtim  l’herbe de la vie éternelle ( le pharmakon athanasias) qui guérit de la crainte de la mort ( ce que signifie aussi  l’ hostie dans la communion de l’église chrétienne)

 

Mais tandis qu’il dort, le serpent lui vole le pharmakon. C’est la vengence d’Enkidu.  Gilgamesh demeure maintenant dans la terre. ( The earth , seized him  not the Plague, God )

 

Conclusion : Ce qui est posé c’est l’énorme problème de l’origine de la conscience  car la civilisation n’est pas autre chose qu’une intensification de la conscience et  l’accroisssement de la conscience ajoute l’auteur est une menace pour tous.

 

Sommes- nous à l’aube d’un retour à Enkidu, au corps  à l’animalité ? Comme dit Berlioz tout le monde sait qu’il n’ y a de vrai que le ciel . Mais si le ciel n’était pas vrai, il resterait la musique.